Les dessous des jeux politiques en Haïti : Témoignages d’un ex-enfant soldat aujourd’hui membre d’un gang armé
1. Introduction
Je m’appelle Sherlson SANON. Identifié par Ie Numéro de ma Carte 
d’Identification Nationale : 02-01-99-1988-12-00245, je suis né à Jacmel
 le 16 décembre 1988.
En 1999, j’étais âgé de onze (11) ans et en situation précaire, 
lorsque j’ai été approché par l’ex-Sénateur Joseph LAMBERT, aujourd’hui 
Conseiller du Président de la République Joseph Michel MARTELLY, qui m’a
 introduit dans Ie secteur criminel.
J’ai spontanément décidé d’arrêter mes activités criminelles. C’est 
pourquoi, tout en me mettant à la disposition de la Justice, Ie 12 mars 
2013, je me suis rendu au Réseau National de Défense des Droits Humains 
(RNDDH) en vue de faire ce témoignage.
II. Mon enrôlement à titre de transporteur de drogue
En 1999, l’ancien Sénateur Joseph LAMBERT m’a proposé d’être son ami 
car, il voyait en moi, me disait-il, un jeune garçon intelligent et 
plein d’avenir. A cette époque, Joseph LAMBERT n’était pas encore 
Sénateur. Cependant, il était très proche du Sénateur d’alors, Fourel 
CELESTIN.
C’est ainsi que j’ai intégré la base KAKOS, localisée à la Rue Sainte
 Anne, à Jacmel. Mon nom d’opération est Andrébert SANON. J’ai été nommé
 ainsi par l’ex-Sénateur Joseph LAMBERT lui-même qui s’est aussi chargé 
de mon instruction en matière de crime. En effet, j’ai reçu une 
formation en reconnaissance de cocaïne. J’ai aussi appris à faire usage 
d’une arme à feu, à conduire les automobiles et les motocyclettes, avant
 de recevoir des matériels de travail, savoir, des gants, des armes, des
 munitions, etc.
Après ma formation, l’ex-Sénateur Joseph LAMBERT m’a engagé pour 
assurer Ie transport de cargaisons de drogue. Je devais transporter ces 
cargaisons de Ia Rue de la Ravine à Lamandou, chez un agent de sécurité 
d’alors de Joseph LAMBERT, dénommé Kern DESAMOUR. Je recevais deux mille
 (2000) gourdes pour ce travail.
Au fur et à mesure que je travaillais, l’ex-Sénateur me léguait 
d’autres responsabilités comme Ie transport de cargaisons d’armes à feu 
ou Ie transport de cargaisons de drogue en des endroits éloignés. En 
effet, j’ai aussi l’habitude de transporter de la drogue pour l’actuel 
Commissaire du gouvernement près Ie Tribunal de Première Instance de la 
Croix des Bouquets, Me Lenny THELISMA, ce, pour Ie compte de l’actuel 
conseiller du Président Joseph Michel MARTELLY. Cependant, Me  Lenny 
THELISMA qui habite Martissant 7, ne reçoit pas la drogue chez lui, mais
 au Carrefour Fleuriot.
Parallèlement, Ie Sénateur Joseph LAMBERT m’a conseillé d’abandonner 
mes études, arguant que les documents, les certificats de fin d’études 
ne rapportent rien en Haïti. II m’a affirmé qu’il pourrait me les faire 
avoir, sans qu’il ne me soit nécessaire d’aller à l’école. De plus, il 
m’a promis une voiture, une maison et un emploi au niveau de la fonction
 publique.
L’ex-Sénateur Joseph LAMBERT a aussi loué une maison où les membres 
du gang KAKOS sont hébergés lorsqu’ils rentrent à Port-au-Prince, 
notamment pour des missions. Cette maison est située au # 29, Impasse 
Wallace, Route de Frères. De plus, Ie Commissaire du Gouvernement près 
Ie Tribunal de Première Instance de la Croix des Bouquets, Me Lenny 
THELISMA a mis sa propre maison, localisée à Martissant 7, à la 
disposition de la base KAKOS.
Cette base est composée d’au moins dix-sept (17) individus. II s’agit de :
1.Edner COME connu encore sous Ie nom de Jackson TRAVELINO, 
actuellement recherché par la Police Nationale d’Haïti (PNH) dans Ie 
cadre de l’enquête judiciaire relative au démantèlement du gang dirigé 
par Clifford BRANDT.
2.Yvener POMPY
3.Herlain THELEMAQUE, un aspirant policier
4.Alain MOISE
5.Jude MILIEN
6.Fabienne LOUIS
7.Eddy JEAN
8.Jean Edwidge ROY connu encore sous Ie nom de Papouche ROY
9.Sherlson SANON connu encore sous Ie nom d’Andrébert SANON
10.Saint-Fleur ROY
11.Sony LAMBERT
12.Yves JOACHIM
13.Raymond FRID
14.Berthony alias Tchampan
15.Amounou ainsi connu
16.Gregory ainsi connu
17.Design ainsi connu
III. Les premiers crimes que j’ai perpétrés
a. Assassinat d’étrangers à Jacmel
En 1999, moi, Sherlson SANON, j’ai tué pour Ie compte de 
l’ex-Sénateur Joseph LAMBERT, une étrangère du nom de Céline MOULIER qui
 était venue implémenter une organisation à Jacmel. Elle habitait à 
Civadier. J’ai reçu deux mille (2000) gourdes pour cette exécution. Le 
jour du crime, j’étais accompagné de Alain MOISE. Ce dernier est un 
agent de la Police Nationale d’Haïti (PNH). Lorsque je l’ai exécutée à 
hauteur de la route de Makary, Céline MOULIER pilotait une Toyota double
 cabine, blanche. Le même jour, Ie père de Ia victime, Fernand MOULIER, a
 aussi été assassiné par Alain MOISE.
Le gang a reçu l’ordre de conduire Ie véhicule de Céline MOULIER au 
garage de Jacky CAROLLI, situé à St Cyr, Jacmel. Les pièces du véhicule 
ont été vendues. La carcasse se trouve encore au garage.
Apres l’assassinat des deux (2) étrangers susmentionnés, j’ai été emmené
 en République Dominicaine, au Bahia Prencipe Hotel Bavaro situé à Punta
 Cana, en attendant que tout se calme.
b. Cas de Kern DESAMOUR
Kern DESAMOUR était un membre du gang. II assurait Ia sécurité du 
dépôt de drogue de l’ex-Sénateur. Une fois, il a reçu pour mission de 
récupérer une cargaison et de l’apporter à l’ex-Sénateur Fourel 
CELESTIN. Cependant, Kern DESAMOUR a préféré prendre Ia marchandise et 
l’a vendue à Jacky CAROLLI.
J’ai été chargé d’assassiner Kern DESAMOUR pour cet écart de 
conduite.
Le 30 octobre 2006, j’ai exécuté Kern DESAMOUR. Je lui ai administré 
trois (3) balles alors qu’il se trouvait dans un bar restaurant situé à 
Lamandou. Lors du crime, Yvener POMPY, un autre membre du gang, 
spécialisé notamment dans les exécutions, était présent. L’arme du crime
 m’a été remise spécialement par l’ex-Sénateur Joseph LAMBERT.
Après l’assassinat de Kern DESAMOUR, des policiers basés à Jacmel ont 
reçu l’ordre de dire que ce dernier a été tué par un policier.
Parallèlement, j’ai été encore emmené en République Dominicaine, ou 
j’ai passé trois (3) mois, logé au même hôtel, le Bahia Prencipe Hotel 
Bavaro situé à Punta Cana. A chaque fois, toutes mes dépenses étaient 
prises en charge par l’ex-Sénateur qui me rendait visite chaque mois.
Après une retraite de trois (3) mois, l’ex-Sénateur est venu me 
chercher. Arrivé à Jacmel, il m’a offert une moto qu’il a lui-même 
achetée chez Edo Zenny pour une somme de trente-cinq mille (35.000) 
gourdes.
IV. Ma présentation au Sénateur Edwin ZENNY
En 2006, en raison des multiples services rendus et surtout, parce 
que je me suis toujours montré consciencieux dans mes nombreuses tâches,
 le Sénateur Joseph LAMBERT m’a présenté au Sénateur Edwin ZENNY connu 
encore sous le nom de Edo ZENNY. A partir de ce moment, j’ai eu deux (2)
 patrons.
Toutefois, avec le Sénateur Edwin ZENNY, mes contacts se sont 
multipliés. De plus, mon travail de transporteur est devenu plus 
important. J’ai été autorisé à prendre les cargaisons chez Jacky CAROLLI
 et chez Joël CAROLLI pour le compte des Sénateurs Edwin ZENNY et Joseph
 LAMBERT.
Les cargaisons emmenées à Lamandou étaient toujours sécurisées par 
Saint-Fleur Roy, Jean Edwidge Roy connu encore sous le nom de Papouche 
Roy et Eddy JEAN. Aujourd’hui, Eddy JEAN est propriétaire d’une boutique
 de vêtements localisée à Lamandou 1.
v. Mon implication dans les actes de violence enregistrés lors des élections de 2010
Pour les élections de 2010, le Sénateur Joseph LAMBERT a supporté le 
candidat à la députation Kénol CHARLES. J’avais pour tâche de remplir 
les urnes au profit de Kénol CHARLES. J’étais aidé par les autres 
membres de la base KAKOS. Puis, sécurisé par des agents de la Mission 
des Nations-Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH), j’ai emmené
 les urnes au bureau de vote de Meyer, une commune du Sud-est.
Je dois souligner que ces fraudes ont favorisé Ie candidat Kénol 
CHARLES qui a gagné les élections et est aujourd’hui Député de la 
circonscription de Cayes-Jacmel.
Après les élections, notamment au début de l’année 2011, le Sénateur 
Edwin ZENNY s’est rangé du côté de Joseph Michel MARTELLY, consacrant 
ainsi son divorce temporaire avec le Sénateur Joseph LAMBERT. Pour se 
venger, le Sénateur Edwin ZENNY nous a offert trois mille (3000) dollars
 américains à moi et à Yvener POMPY pour incendier son propre véhicule, 
une Hammer 4X4 de couleur blanche, qui se trouvait alors à Lamandou. 
Ensuite, il a accusé le Sénateur Joseph LAMBERT d’avoir procédé à cet 
incendie.
Suite à l’incendie, des agents de la PNH, dont un dénommé Arland 
BEROUETTE, à la solde du Sénateur Edwin ZENNY, se sont rendus à Lamandou
 et ont déclaré dans leur procès-verbal avoir remarqué le véhicule du 
Sénateur Joseph LAMBERT qui prenait la fuite.
VI. Quelques exemples d’autres crimes perpétrés par le gang Edo ZENNY / Joseph LAMBERT
1. Le 1er septembre 2012, j’ai ete engage par le Sénateur Edwin ZENNY
 pour exécuter Reyista DESAMOUR. Ayant échoué après plusieurs 
tentatives, un prêtre du vodou, Jean Marie DOMOND, a reçu dix mille 
(10.000) dollars américains pour faire Ie crime. Ce dernier a été par la
 suite arrêté Ie 16 octobre 2012. Jean Marie DOMOND se trouve 
aujourd’hui à la Prison Civile de Jacmel. La petite fille de Reyista 
DESAMOUR a, pour sa part, reçu une balle à la cuisse.
2. Le 17 novembre 2012, à Jacmel, le gang KAKOS a pris part à 
l’enlèvement suivi de séquestration 
du petit Jorym Sam ETIENNE, âgé de 
trois (3) ans. Ce crime a été perpétré sur instigation du Sénateur Edwin
 ZENNY qui est l’amoureux d’une jeune fille habitant la maison. Les 
proches de la jeune fille reprochaient à cette dernière d’entretenir une
 relation amoureuse avec le Sénateur, un homme marié qui, de surcroit, 
entretient plusieurs maitresses. Cette dernière a rapporté les faits au 
Sénateur qui, pour leur donner une leçon, a ordonné l’enlèvement de 
Jorym Sam ETIENNE. Il n’était pas prévu de tuer l’agronome Jean Marie 
Patrice ETIENNE. Cependant, celui-ci, croyant qu’il avait affaire à des 
voleurs, a tiré le premier. Un des bandits, Alain MOISE, a reçu un 
projectile au bras. C’est en ripostant que l’agronome Jean Marie Patrice
 ETIENNE a été tué. Pour libérer Jorym Sam ETIENNE, la famille a dû 
payer la rançon de quarante mille (40.000) dollars américains.
3. Deux (2) autres assassinats ont été perpétrés pour le compte du 
Sénateur Edwin ZENNY, Ie 5 février 2013. Ces deux (2) individus ont été 
tués parce qu’ils ont frappé Ie véhicule du Sénateur Edwin ZENNY. Ils 
ont été criblés de balles. Il s’agit de Jerry DARTOIS et de M. C Hammer 
DARTOIS. Pour ce travail, le Sénateur Edwin ZENNY a offert Ia somme de 
mille cinq cents (1.500) dollars américains à Yvener POMPY, à Eddy JEAN 
et à Berthony ainsi connu alias Tchampan. lIs étaient montés à bord 
d’une motocyc1ette immatriculée MC 7030.
4. Le 6 mars 2013, Ie Sénateur Joseph LAMBERT m’a confié quatre (4) 
armes de calibre 9 millimètres à apporter à l’une des ramifications de 
la base KAKOS, à La Saline. J’ai remis ces armes à Yvener POMPY et à 
Jean Edwidge Roy, connu encore sous Ie nom de Papouche Roy.
5. Le 5 avril 2013, le gang KAKOS a reçu une mission de l’ex-Sénateur 
Joseph LAMBERT de se rendre à Marigot, dans la maison de Jetho SANON, 
l’officier de l’Etat Civil de cette commune. Le gang a emporté seize 
(16) boites en carton remplies de drogue. Cette drogue a été emmenée 
chez Christophe LAMBERT, à Breman.
6. Le 7 avril 2013, l’ex-Sénateur et Conseiller du Président de la 
République m’a donné six (6) armes à feu de calibre 9 millimètres, avec 
pour mission de les apporter à La Saline et de les remettre à Raymond 
FRID, Jean Edwidge Roy, Fresny BALTAZAR, Jude MIILIEN, etc.
7. Le 10 avril 2013, plusieurs membres du gang, montés à bord de deux 
(2) véhicules dont celui du Sénateur Edwin ZENNY, immatricule OF 00828, 
piloté par Edner COME, et une Land Cruiser grise, appartenant à Joseph 
LAMBERT, ont transporté six (6) boites de cocaïne de Jacmel à 
Ouanamithe. Cette drogue a été livrée à une autorité de la ville. Eddy 
JEAN, Berthony alias Tchampan, Alain MOISE, et moi-même nous nous 
trouvions dans le second véhicule.
8. Cacite BERTRAND, un cousin de ma mère, a été tué à Peredo par Alain
 MOISE. II était un commerçant. II lui était reproché d’avoir des 
opinions politiques contraires à celles de l’ex-Sénateur Joseph LAMBERT.
9. Dalbert BERTRAND a été tué par Eddy JEAN, et Yvener POMPY, sur ordres du Sénateur Joseph LAMBERT.
VII. Les ordres que j’ai choisi de ne pas exécuter
En février 2013, l’ex-Sénateur Joseph LAMBERT m’a engagé pour 
assassiner le député Sorel JACINTHE. II m’a donné une bouteille que je 
devais placer à l’intérieur ou sous Ie véhicule du Député Sorel 
JACINTHE, une Land Cruiser de couleur or. De plus, il m’a donné un 
portable avec, enregistré, un message vocal prétextant que le Député 
Anel BELIZAIRE avait communiqué avec le Député Sorel JACINTHE et qu’il 
lui avait fixé rendez-vous à La Saline.
J’ai aussi reçu pour mission de déposer, dans le véhicule du Sénateur
 Moise JEAN CHARLES, une cargaison de drogue pour qu’une arrestation 
soit orchestrée à l’encontre dudit Sénateur. J’ai commencé par exécuter 
ce travail. J’avais déjà en ma possession la drogue. Tout était 
planifié. J’ai finalement décidé de ne pas donner suite. De plus, je 
devais aussi procéder à l’identification et à l’exécution du Député 
Levaillant LOUIS JEUNE avant le 29 avril 2013.
Selon toute vraisemblance, l’ex-Sénateur Joseph LAMBERT tient à 
éliminer les Députés Sorel JACINTHE et Levaillant LoUIS JEUNE en raison 
des déclarations de ces derniers sur les ondes de plusieurs stations de 
radio de la Capitale, selon lesquelles l’ex-Sénateur ne peut vivre en 
Haïti sans le bénéfice de l’immunité parlementaire ou la couverture d’un
 pouvoir politique.
VIII. Membres de l’appareil judiciaire impliqués dans les actes
Les chefs du gang KAKOS, savoir l’ex-Sénateur Joseph LAMBERT et le 
Sénateur Edwin ZENNY, contrôlent l’appareil judiciaire du Sud-est. 
Lorsque les membres du gang sont arrêtés, ils interviennent eux-mêmes 
et, souvent, les membres du gang KAKOS sont remis en liberté.
IX. Conclusion
Pour me pousser à exécuter ces ordres que j’ai choisi d’ignorer, 
l’ex-Sénateur Joseph LAMBERT m’a encore une fois promis sa Toyota Prado,
 une maison, un emploi pour moi et aussi un emploi pour ma femme. 
Toutefois, je ne veux plus travailler pour l’ex-Sénateur et Conseiller 
Joseph LAMBERT ni pour le Sénateur Edwin ZENNY.
Lorsque j’en ai fait part à l’ex-Sénateur Joseph LAMBERT, ce dernier a
 passé aux autres membres du gang KAKOS, des instructions claires et 
précises pour que je sois exécuté.
Je m’attends donc à mourir à n’importe quel moment. C’est pourquoi, 
pour l’histoire et pour la vérité, j’ai fait ce témoignage afin que nul 
n’ignore les dessous des jeux politiques en Haïti dont j’ai été victime,
 sous l’attrait du gain facile.
Fait a Port-au-Prince, le 23 avril 2013
Sherlson SANON
Vu UNIQUEMENT POUR LA CERTIFICATION MATERIELLE DE LA SIGNATURE DE 
SHERLSON SANON, CONNU ENCORE SOUS LE NOM D’ANDREBERT SANON, IDENTIFIE AU
 NUMERO 0201-99-1988-12-00245 QUI L’A APPOSEE EN NOTRE PRESENCE, CE 
VINGT TROIS AVRIL DEUX MILLE TREIZE : PORT-AU-PRINCE, LE 23 AVRIL 2013
Me Jean Beaubrum L. Rony, Notaire Public