Port-au-Prince, le 24 octobre 2013
Lettre ouverte à la Ministre Déléguée auprès du Premier Ministre, chargée des
Droits de l’Homme et de la Lutte contre la Pauvreté Extrême,
Madame Marie Carmelle Rose Anne AUGUSTE
Madame La Ministre,
Les organisations des Droits Humains signataires de la présente vous
remercient de l’invitation qui leur est faite de prendre part à un
déjeuner-débats au cours duquel, vous comptez présenter le Comité
Interministériel sur les Droits Humains. Cependant, elles ont le regret
de vous informer qu’elles sont dans !’obligation de ne pas répondre à
cette invitation, pour les différentes raisons citées ci-après.
Madame la Ministre,
Il y a de cela dix-huit (18) mois, vous avez été nommée Ministre
déléguée auprès du Premier Ministre Chargée des Droits de l ’Homme et de
la Lutte contre la Pauvreté Extrême. Toutefois, vous n’avez jamais jugé
opportun de rencontrer le secteur des droits humains ni même l’Office
de la Protection du Citoyen pour, entre autres, présenter votre agenda
et prendre en compte les points de vue de toutes ces organisations.
Conséquemment, aujourd’hui, les organisations de droits humains
signataires de la présente, déplorent le fait que les différents
programmes que vous mettez en œuvre au profit du gouvernement auquel
vous appartenez, sont réalisés dans l’irrespect de la dignité humaine et
des droits de la personne. A titre d’exemples, le Programme Ti maman
Cheri, encourage les femmes à donner naissance à plus d’enfants, le
programme de distribution de plats chauds enregistre, aux fins de
propagande, des images d’hommes, de femmes et même de mineurs avec, en
leur possession, un plat de nourriture ; et les programmes Kore
Etidyan, Kore Peyizan, Katye Pam Poze, consacrent pour leur part
l’assistanat à outrance.
Madame la Ministre,
Dans le dessein évident de saper les acquis démocratiques et
d’empêcher aux Haïtiens de jouir des libertés publiques consacrées par
la Constitution Haïtienne, les Lois en vigueur et les différents
instruments régionaux et internationaux de protection des droits
humains, le gouvernement MARTELLY/LAMOTHE utilise des agents de la
Police Nationale d’Haïti (PNH) et de la Mission des Nations Unies pour
la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) en vue d’empêcher la réalisation de
manifestations publiques réalisées par des membres de l’opposition
politique ou par d’autres membres de la société et de disperser
violemment des manifestants.
De plus, vous n’êtes pas sans savoir qu’aujourd’hui, plusieurs
personnes sont incarcérées en raison de leur appartenance à l’opposition
politique ou de leurs liens avec des membres de !’opposition politique.
Elles sont donc des prisonniers politiques cautionnés tant par le
gouvernement dont vous faites partie que par vous même qui êtes chargée
des droits de l’Homme. Ils sont aussi nombreux les citoyens haïtiens qui
travaillaient dans l’administration publique et qui ont été révoqués
sur la base de leurs opinions politiques ou parce que leurs proches
n’appuient pas le Gouvernement MARTELLY/LAMOTHE, ce gouvernement qui
affirme pourtant faire de la lutte pour l’établissement d’un Etat de
droit, une priorité.
Madame la Ministre,
Au cours de ces derniers mois, des partisans et des sympathisants du
Gouvernement MARTELLY/LAMOTHE se sont attaqué à des radios
communautaires, à des médias indépendants ainsi qu’à leurs journalistes
dont, entre autres, Liliane PIERRE-PAUL et Rodrigue LALANNE de Radio
Kiskeya, Jean Monard METELLUS de Radio Caraïbes.
Parallèlement, le Palais National est aujourd’hui truffé de proches du
Président Michel Joseph MARTELLY qui ont des démêlés avec la Justice
haïtienne et d’autres, sur lesquels planent de grands doutes quant à
leur implication dans la perpétration, par le passé, d’actes
répréhensibles. Parmi eux, se retrouvent :
• Le policier affecté à la sécurité du Président qui a agressé le journaliste Rodrigue LALANNE.
• Calixte VALENTIN, Conseiller du Président, qui a abattu froidement Octanol DERISSAINT.
• Ronald NELSON alias Roro NELSON qui, au nom du Président Michel
Joseph MARTELLY, prend un plaisir malsain à agresser des citoyens
paisibles de la société.
Madame la Ministre,
Depuis plus de deux (2) années, le Pouvoir Exécutif devait organiser
les élections locales et sénatoriales partielles. Or, rien n’est fait en
ce sens et, les droits politiques du peuple haïtien sont foulés au
pied. A titre d’exemple, le Pouvoir Exécutif a installé à la tête des
communes du pays des Agents Intérimaires de l’Exécutif alors que,
généralement, les membres des Conseils Communaux sont issus d’élections.
Plusieurs de ces Agents Intérimaires de l’Exécutif sont recherchés par
la Justice haïtienne pour répondre des actes qui leur sont reprochés.
C’est le cas des agents intérimaires des communes de Savanette, dans le
département du Centre, des Irois, dans le département de la Grand’Anse,
de Desdunes, dans le département de l’Artibonite, etc.
Par ailleurs, le Juge Jean Serge JOSEPH qui était chargé d’instruire
le dossier de corruption présumée reprochée à Sofia MARTELLY et à Oliver
MARTELLY, respectivement l’épouse et le fils du Président de la
République, a perdu la vie dans des circonstances douteuses alors
qu’aucune lumière n’est faite autour de ce dossier.
De manière spectaculaire et en dehors de règles de droit et des
principes de droits humains, le Commissaire du Gouvernement près le
Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, Me Francisco RENE, a
procédé à l’arrestation, le mardi 22 octobre 2013, de Me André MICHEL,
militant politique opposant au pouvoir en place et avocat de la partie
adverse dans le dossier de corruption présumée reprochée à la famille
présidentielle.
Parallèlement, le Pouvoir Exécutif ne respecte pas le principe de
séparation des trois (3) Pouvoirs. Il a décidé de ne pas donner suite
aux décisions prises par le Pouvoir Législatif, notamment, en refusant
de publier dans le journal officiel du pays, diverses résolutions votées
par le Sénat, ni d’installer les Juges devant former la Cour des
Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA).
Madame la Ministre,
Pour toutes ces raisons, d’ailleurs non exhaustives, les
organisations de droits humains signataires de la présente, ont décidé
de ne pas répondre à votre invitation car, elles sont convaincues que le
Gouvernement MARTELLY/LAMOTHE, auquel vous appartenez, ne manifeste
aucune velléité de respecter les droits humains. Il piétine sciemment
tous les principes démocratiques et foule au pied la Constitution
haïtienne au vu et au su de tous.
Sur ce, les organisations de droits humains signataires de la
présente, vous transmettent, Madame la Ministre, leurs patriotiques
salutations.
Les organisations signataires :
• Commission Episcopale Nationale Justice et Paix (CE-JILAP)
• Groupe d’Appui aux Réfugiés et aux Rapatriés (GARR)
• Plateforme des Organisations Haïtiennes de Droits Humains (POHDH)
• Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH)
Pour authentification :
Pierre Espérance,
Directeur Exécutif du RNDDH
RNDDH
(Original letter can be read
here)